Aux USA, on extrait du gaz de schiste depuis 10 ans. Profitons de cette expérience !
Et si possible, ne commettons pas les mêmes erreurs ...
Voici un premier état des problèmes rencontrés lorsque l’on extrait du gaz de schiste.
L’occupation du sol :
Quelle que soit l’épaisseur de la couche de roche à exploiter, le but est d’en extraire le maximum de gaz. C’est le seul moyen de rentabiliser un gisement et cela entraîne une forte densité de puits. Dans certaines régions des USA (comme dans le Garfield County – Colorado), les puits sont distants de 200 m. Le désert de sable est devenu une forêt de puits.
Ici, un forage dans une zone rurale du Comté d'Upshur, West Virginia.
Les auteurs de l'étude (pour le Gouvernement Américain) ont noté
que cela pouvait (dans d'autres régions ...) poser un problème pour la
vie des animaux sauvages.
Il existe cependant des méthodes permettant d’espacer un peu les infrastructures aériennes en creusant plusieurs forages reliés à un seul puits en surface (cluster) comme dans le schéma ci-dessous.
On constate qu'alors les puits ne sont plus distants que d' 1 km environ (voir le schéma ci-dessous)
Les infrastructures routières :
Pour apporter les éléments nécessaires au forage, puis à l’effraction de la roche (sable, eau, additifs), puis à l’enlèvement du gaz, l’évacuation de terres …, il faut un grand nombre de camions.
Robert Watson, professeur au département du Génie de la Pennsylvania State University parle pour la mise en place d’un puits de 125 tonnes de ciment nécessaires et de 180 camions pour l’évacuation de « terre usée »
Le matériel et les moyens logistiques nécessaire à un puits demandent une infrastructure certaine…
Un grand volume d’eau à envoyer dans le puits lors du forage. On parle de 1000 m3 d’eau pour cette seule opération.
Des éléments du sous-sol à évacuer au moment du forage : même si le tube n’est pas de très gros diamètre, sur une longueur de 3 ou 4000 m, cela représente un certain volume … (petit calcul : 0,20 m de diamètre, longueur de 3500 m = 439,6 m 3). Nous avons vu précédemment que ces éléments sont riches en matériaux divers (métaux etc…) et même parfois en éléments radio-actifs… Qu’en faire ? En tout cas, pas les rejeter dans la rivière la plus proche comme cela a pu se produire aux USA.
Un énorme volume d’eau et sable (+ ces fameux additifs) envoyés à très haute pression pour fracturer la roche en sous-sol, mettre le gaz sous pression et le faire sortir en surface (frack). Selon la profondeur et la longueur du forage, on parle de 7 000 à 10000 m3 d’eau à chaque « frack ».On peut « fracker » un puits jusqu’à 14 fois pour son exploitation, sur 4 ans environ.
Où va-t-on trouver toute cette eau ? Et ce sable ?
Environ 50 % de cette eau remonte à la surface mais elle est terriblement polluée par les éléments du sous-sol et … par les additifs injectés pour assurer la porosité de la roche. Pour éviter la pollution en surface, il faut prévoir des bassins de stockage (et si possible avec des fonds vraiment étanches !!!)
Le traitement de l’eau usée : les volumes en jeu et la nature (inconnue pour une bonne part) des éléments polluants empêchent à priori le retraitement dans les stations d’épurations des communes. Au Québec, plusieurs communes viennent de se déclarer incompétentes pour le traitement de ces eaux et ont interdit qu’elles soient envoyées dans leur station d’épuration.
Dans les terres chaudes de l’Ohio, les entreprises gazières ne se sont pas trop embêtées. Elles ont laissé l’évaporation jouer pour ne plus avoir à considérer que les résidus solides (boues). Quant aux matières volatiles … elles sont parties dans l’atmosphère !
Les boues : il n’y a pas d’étude (ou du moins aucune étude accessible s’il en existe une) sur le volume des boues rejetées et sur leur niveau de pollution. Aux USA, on se contente parfois pour le moment de les laisser sur place (voir ci-dessus) ou de les faire filer dans la rivière qui passe à côté, avec des dégâts inévitables en aval
La pollution de l’air : elle est attestée par de nombreux témoignages mais demande encore un petit travail de recherche (à suivre donc …). On sait cependant qu’il y a des fuites de gaz (méthane essentiellement) à la sortie des puits. Et l’on suppose aussi que le méthane n’est pas pur. Les fuites libèreraient donc divers gaz …
La pollution des eaux de surface : elle est réelle dans l’état actuel des modes opératoires mais pourrait être largement diminuée avec de plus grandes précautions (bassins de rétention des eaux usées vraiment étanches, soin au moment de la récupération des eaux polluées etc …Coûteux, mais faisable)
La pollution des nappes phréatiques : problème majeur ! Elles sont fréquemment polluées par du gaz et par les additifs injectés.
Comment est-ce possible ? D’après les schémas fournis par les entreprises, cela NE PEUT PAS arriver. Il y a des tubages sur toute l’épaisseur des nappes aquifères … mais c’est à croire que comme les forages off-shores dans le golfe du Mexique ce qui ne peut pas se produire se produit quand même ! Un tubage défectueux ou mal installé, rien d’impossible.
Plus grave, AUCUNE ETUDE n’a été faite sur l’effet à moyen ou long terme des additifs et des frackings à répétition.
N’y a-t-il aucune capillarité qui puisse se créer entre la zone d’extraction et les nappes d’eau ? Les explosions souterraines pourraient-elles créer des fissures qui entraînent une perte
d’eau des aquifères ? Ou une remontée du gaz et des additifs dans l’eau sous la force de la pression ?
Et après fermeture du puits, que se passe-t-il ? Laisse-t-on le tube en place ? Et s’il s’effrite ? Et les remontées de gaz résiduel ? etc …
Bref, il y encore beaucoup d’incertitude dans ce type d’exploitation. Le modèle américain est assurément LE MODELE A NE PAS SUIVRE !
Pour mémoire, voir : 5 – Gaz de Schiste : Gasland, le
documentaire qu’on ne voudrait pas tourner en France
Et comme c’est le seul connu, il est peut-être urgent d’attendre que les entreprises aient progressé dans leur technologie. Après tout, ces gaz de schiste nous attendent depuis des millions d’années, ils ne s’envoleront pas dans la décennie à venir !
A suivre ...
Brigitte Grivet
commenter cet article …